La tourelle
Une pièce;
Parquet à lattes brunes, un semi circulaire de mur, plafond haut 3M peut-être 3M50,encore des lattes mais blanches et aussi des spots;
Ma respiration est lente,mon œil repère les angles,les coins, les recoins, je déplace au centre une table ronde, diamètre 45, un petit banc, il y a aussi un tabouret et ce grand canapé assorti au fauteuil, mon inventaire se termine par ce bureau qui lui ne bougera pas.
J'enveloppe les meubles de draps blancs ;
Mon oeil repère quatre fenêtres, double vitrage, ici en Bretagne il y a du vent, la pluie ,on dit aussi un grain pas celui que tu peux avoir dans la tête mais celui qui te mouille en un quart de seconde si tu n'as pas pris ton ciré,ici il faut prévoir, à 10h un temps magnifique, à 10H20 tu es trempé !
31 jours de vie qui se répètent de manière douce mais quasi militaire;
Mon cérémonial s'articule autour d'un lever et d'un coucher;
Entre, le travail ;
Jusqu'au bout il faudra trouver l'essentiel, obsédante recherche du bon geste, simple, efficace surtout ....
Je suis en résidence .
Oui chercher le bon geste, créer, tout tient dans ces quelques lettres, répéter à l'infini la même partition, essayer de trouver le bon accord;
S'adapter au lieu, un voyage dépaysant, singulier;
Plonger dans l'imaginaire, une immersion hors du temps,sensationnelle, formidable,magique,si excitante ......
Je suis entrée dans cette tourelle comme on plonge dans l'eau;
J'ai pris ma respiration, transportée dans une nouvelle ambiance, sans contact, presque hypnotisée;
Se fondre dans les coins,spectatrice d'un travail qui se monte;
Ne jamais désespérer;
D'interminables passages de machine à coudre, garder la cadence....
Gestes qui se répètent ;
Tous les jours;
Le corps qui doit tenir le bon rythme ;
Guider l'esprit ;
Des images de film du réalisateur Hongrois 'Béla Tarr' m'accompagnent, celles du 'Cheval de Turin', atmosphère mystique;
Poésie;
J'affronte comme les personnages du film les éléments, je sens rôder autour des fenêtres le vent et la pluie, ;
Lenteur du temps, seule, ambiance sacrée;
Sacrée ambiance;
Ce qui prends vie dans ce temps suspendu est la relation que j'entretiens avec ma main, reliée à mon corps et à mon esprit, un corps presque étranger dans ce nouveau lieu;
Faire face à soi, ne pas interrompre l'énergie qui se déploie avec aisance dans cet espace si unique où le travail du papier blanc cousu et cette vie quasi monacale rend l'atmosphère pure,simple,paisible voire absolue, ce qui prend vie dans ce temps suspendu c'est la membrane qui se construit, tous les jours la mue prend forme, pour la future délivrance, celle de la jeune fille enfermée dans une tour et qui file avec ses longs cheveux une immense corde qui lui permettra de s'enfuir afin d'accéder à sa propore féminité. La mue-corde pendra à la fenêtre le 28 mai à 18H.
Epuisée mais heureuse d'avoir réussi à finir mon ouvrage
Maintenant retrouver sa réalité ;
Difficile passage ...
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Merveille d'idées foisonnantes et créatives, Valérie LUONG revient cette année pour une résidence toute en partage pour aiguiser notre curiosité et partager son repas de formes, de papier et de vent.
L'invité
Cyril MAISONNAVE, Designer textile,
Une fois la table dressée, apportera les couverts.
Merveille ici aussi, de précision, de détail et de finesse. Les objets de Cyril sont étonnants.
Tout en délicatesse, les couverts de la table sont un exemple de légèreté.
Le tricotage du fil de laine et de cuivre exalte notre imaginaire et nous projette dans un monde d'avant, celui du 17em siècle peut-être, ou encore du moyen âge ou la cotte de maille était un objet courant.
Découvrir Cyril Maisonnave ici: https://cyrilmaisonnave.com
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Je propose de créer plusieurs scénographies pour inviter le spectateur à suivre mes recherches et mes réflexions sur le thème du Partage que j'élabore depuis 2015 et que j'envisage aujourd'hui comme une invitation autour du repas .J'imagine pour la première résidence en binôme avec le designer 'Cyril Maisonnave' de simples dessins et peintures de grands formats où se côtoient assiettes, plats, récipients à l'usage du service de table et qui amorcent la conception d'un banquet réalisé en argile, je prévois pour la Grande Poudrière de peindre une série de mains sur voile de coton (sans châssis) qui renvoie à l'image du suaire où comment le geste accompagne notre manière de manger, avant d'aborder une mise de table (allusion à la Cène), comprenant des assiettes faites de simples cercles en référence à l'hostie, des couverts, couteaux et fourchettes reproduisant le modelé de mes mains et une nef de table en forme de bateau le tout en porcelaine.
Associée à l'image des vaisseaux de Louis XV qui déchargent leurs poudres dans ce dépôt de munitions au 18ème siècle et dont un écusson sur la façade porte les armes de la famille Meilleraye ( ou meilleure raie comme un clin d'oeil à la situation géographique de bord de mer de cette la Grande Poudrière ) on apprend que cette nef trône au centre de la table lors de banquet chez certaines grandes familles à la Renaissance et qu'elle serait à l'origine du mot vaisselle .
À TABLE !
Proposant un assemblage d'objets, de croquis, de dessins, d'esquisses colorées partant du thème de la Cène, Valérie Luong peintre Plasticienne, Cyril Maisonnave Designer textile imagine un repas autour de deux espaces existants (Tourelle st François/Grande Poudrière -18ème - Bretagne sud - Morbihan ) la construction d'une mise en scène, d'un souper avec sa vaisselle, ses couverts, mais aussi ses mets, une sorte de festin qui célèbrerait le Partage, ses réjouissances et ses plaisirs ;
Amuse-gueule
Soupe
Chère
Mettre la table .
Mettre la table une expression qui date du moyen-âge et qui signifie installer les planches et les tréteaux dans la pièce où l'on souhaite manger, y apporter les ustensiles et les objets nécessaires à la prise du repas;
Une fois terminé les tables sont démontées .
Inspiré par le paysage, l'architecture et le territoire, les deux artistes composent pour la Tourelle st François un menu constitué de plantes, de graines, de fleurs, de coquillages, de poissons, ou encore d'algues récoltées sur le terrain, ils créent des objets modelés, tricotés, cousus ou brodés, imaginent une installation qui évoque le 'vivre au pays', la prise en compte de la diversité humaine, la singularité des gestes locaux afin d'en explorer l'archéologie du quotidien; Ils grattent, fouillent, remuent, ratissent la terre, interrogent les mémoires du territoire, les relevés organiques, les empreintes paléographiques, les souvenirs historiques pour recueillir l'humus du passé; Les deux artistes construisent un projet autour du repas, une promenade gustative, l'évocation de notre relation à la terre, une table comme lieu d'échanges, un conte humain, une fable sensorielle, l'hybridation de liens à tisser, de relations à nouer, d'attentions à réinventer, une promenade ou chacun s'abandonne à ses sensations, une balade festive, l'exploration de nos habitudes alimentaires, la pluralité de nos us et coutumes, la narration de nos différences, de nos défauts et de nos contradictions.
Être à table ne serait-il pas l'évolution d'une pratique partagée par tous, une activité du quotidien, mettant au centre l'homme dans sa créativité ?
Le repas accompagne tous les grands moments de la vie, fêter une naissance, célébrer un mariage, arroser la réussite d'un événement, marquer une rencontre, le repas signe un temps, une convivialité fédératrice de transmission et de Partage, le moment d'une invitation au voyage où nous sommes conviés à une réflexion autour du lien, des pluralités et disparités humaines, de la relation à l'autre et à son propre corps .
Manger pour vivre ou mourir ?
Être à table ne serait-il pas un vrai combat citoyen ?
Valérie LUONG