*Détail de l'exposition à La Curiosité à Paris: Demander à l’aveugle de nous apprendre à voir, 2021
Cette exposition m’a permis de restituer l’état de mes premières recherches.
Ci-dessous le texte écrit par Guillaume LADVIE à ce sujet.
"Edouard Ducos s’est attaqué à l’appareil photo en tant que tel en modifiant le capteur de son boîtier. En remplaçant le filtre de lumière visible par un filtre hors du spectre discernable par l’oeil humain, il produit des images en noir et blanc aux nuances imprévisibles. Au-delà de la révélation d’un monde spectral et dramatique, il replace l’objet technique ainsi détourné en outil d’apprentissage pour l’homme face à la nature. L’exposition s’accompagne d’une installation, qui permet au visiteur de «demander à l’aveugle de lui apprendre à voir», tout en se découvrant sous une nouvelle lumière".
Photographier l'invisible.
Voilà un sujet paradoxal qui m'anime.
La photographie numérique est partout, aujourd'hui mise à mal dans son objectivité. Artistiquement, nous, photographes sommes-nous libres de nos perceptions ?
Pouvons-nous changer de point de vue sur le monde en faisant un pas de côté en dehors du visible ?
Et ainsi découvrir la véritable singularité de la vision humaine, la manière dont nous percevons le monde. Et en quoi cela influe sur nos actions et nos territoires.
Les populations ont façonné les paysages selon leurs besoins mais aussi selon leur perception de ce qui est visible ou non. Le territoire invisible est-il pour autant vierge de tout impact humain ?
Mon projet est de faire de la photographie de paysage à l’aide d’un procédé inédit hors du champ visible.
Je me propose de me réapproprier l'outil à la manière des précurseurs de la photographie en modifiant le procédé photographique, le capteur. Modifier le postulat industriel de l’outil peut nous permettre de voir et de montrer ce qui n'est pas visible. C'est pour moi une remise en question nécessaire. En contournant le passage obligé de l'appareil photo et de son capteur borné à reproduire le réel, en évitant les manipulations logicielles, tout en ne tournant pas le dos à la technologie, je travaille cette matière mère des images contemporaines, le coeur sacré de l'outil du photographe, le capteur. Ce mille-feuille de sensibilités, d'électronique et de filtres industriellement montés loin de la vue de l'artiste peut, à l'aide de patience et de précision, devenir le déclencheur de ma démarche artistique.
Explorez l'invisible pour questionner notre regard sur le monde. Existe-t-il en dehors de notre perception ? Comment s’organise-t-il loin de notre regard ? Au-delà du visible, que nous reste-t-il à découvrir de l’impact de l’homme sur la nature ?
La première étape de cette recherche a donné lieu à une restitution en novembre 2021, sous la forme d’une exposition de tirages d'art et d'une installation scientifique.
Techniquement, j'ai retiré manuellement le filtre qui borne le capteur à la lumière visible puis placé un nouveau filtre qui ne laisse passer que de la lumière dont la longueur d’onde est de 830 nanomètres. Cette longueur d'onde est particulièrement intéressante car il s'agit de la longueur d'onde de réémission de l'activité chlorophyllienne. Visuellement, mes photos en noir et blanc proposent une vue singulière : le vivant, le végétal est d’un blanc éclatant, l'eau et les matériaux fabriqués par l’homme sont d'un noir profond.
Aujourd'hui, j'aimerais passer à une nouvelle étape, pour faire de la photographie couleur. En élargissant la plage de sensibilité en dehors du visible du capteur je vais pouvoir recréer une gamme de couleurs imposées. A la manière d’une pierre de rosette, je chercherai à trouver des traductions colorimétriques des phénomènes lumineux en dehors du visible.
DUCOS_Edouard-candidature
Le but de mon processus technique est l’expression d’une démarche artistique en travaillant la photographie couleur.
La résidence a la tourelle st François serai idéale pour travailler en imersion dans un paysage que j’aime
Mes cadrages se prêtent particulièrement bien au littoral
La résidence à la tourelle St François serait idéale pour travailler en immersion à ce nouveau procédé dans un cadre inspirant.
Mes cadrages se prêtent particulièrement au littoral avec des contrastes naturels qui se révèlent dans l’invisible.
Mon intention durant cette résidence est de produire de nouveaux clichés et les restituer en une exposition pour avancer dans mon exploration de mon nouveau procédé.
Fabriquer le processus c'est un petit atelier d'électronique, pour adapter les caractéristiques au nouveau filtre de l'appareil photo numérique.
Photographier, c'est la partie de jeu avec l'environnement, la mer, les habitants, le bâti. C'est questionner le processus en prise avec le réel, l’habituel et le singulier.
Restituer, c'est sélectionner, échanger entre la prise de vue et la prise de parole de l'image, créer un corpus cohérent et produire des tirages d'art.
Produire une installation plastique didactique c’est permettre au spectateur de comprendre les procédés techniques derrière les oeuvres. Une piste par exemple : une installation de mise en regard entre le point de vue derrière l’objectif et celui de la vision humaine.
Edouard Ducos, 01/03/2024